Souliers d’automne
Françoise Lefèvre, Le Rocher, Juillet 2000


Pour écrire seulement quelques phrases, il faut aussi faire un long, très long chemin. Certains matins, il faudrait avoir la force du jour qui se lève et pouvoir contenir l’immensité d’un rai de lumière traversant une chambre obscure. C’est toujours de là qu’on écrit. D’une chambre asilaire où tout est en morceaux. Personne ne voudrait y entrer, ni surtout y rester. On ne sait pas pourquoi on y est. Mais c’est là qu’on vit le temps que dure l’écriture d’un livre. Dans les décombres. Dans cette solitude, je peux retrouver des échos de la joie perdue. A cause de la brièveté même de la vie, la joie, le bonheur sont toujours perdus ou menacés de l’être. Ces choses, on les pressent depuis l’enfance. On vit déjà avec. A cet âge, on le sait parfaitement. Seul compte l’écho de cette joie, ce qu’il nous en reste, ce qu’on en fait. C’est un peu comme si, dans le même temps, il nous fallait vivre la joie et son deuil. Des bonheurs les plus fous, les plus insensés, les plus inattendus, je considère toujours la fin. Le deuil imminent. Je fais d’abord le deuil. Il me reste alors la joie. Un diamant noir retenant son éclat.
P : 118 – 119


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